Testament

Monte-Carlo, juin 1950

Mon testament.

(traduit du russe par Philippe de Douvan et Tamara Gaucheler en 2003 )

Un exemplaire est déposé chez Ania, un autre chez Boris, un troisième chez Evguéniya Kasimirovna Chimanskaya, le quatrième chez S. B. Chichman, et le cinquième dans le tiroir de ma table de bureau. Ce testament doit être ouvert après ma mort, car si Dieu prolonge ma vie (notre grand père est décédé en 1957), suivant les circonstances il me faudra peut être y changer quelque chose.

Je demande que soit organisé un enterrement le plus modeste, d’inviter à l’office des morts le père Vladimir Liubimov (sans chœur ni diacre) de Nice. Je demande qu’on m’ensevelisse dans un double cercueil, en zinc et en bois de chêne, de façon à pouvoir le transporter à Eupatoria à la première occasion et de construire un caveau à côté de celui de mon père.

Je bénis tous les enfants et je pardonne toutes les peines qu’ils m’ont occasionnées volontairement ou involontairement et je remercie Ania pour son soutien des dernières années. Je lègue la grande bague ancienne à mon fils Joseph vivant à Buenos-Aires. Après lui cette bague doit revenir par ordre aux fils aînés de la famille Douvan (Serge, Boris, Philippe etc.). Et je lègue la petite bague fétiche d’abord à ma fille Lisa et ensuite à ma petite fille Nina, femme de Chaussonnière, à ma petite fille Irène Douvan etc. Les boutons de manchette et le réveil matin je les lègue à Serge.

J’ai foi que tôt ou tard la Russie se débarrassera des bolcheviks et dans ce cas sera reconstruite comme un état normal et dans ce cas les anciens propriétaires seront, indubitablement, rétablis dans leurs droits personnels et héréditaires. Si mes suppositions ne s’avéraient pas erronées, et s’il ne m’appartiendra pas, de mon vivant, de retourner dans ma patrie, alors je lègue ma villa « Mechta » (Rêve) en parties égales à mes fils Joseph, Serge et petit fils Roustem Ghélélovitch et Philippe Douvan.

Je n’inclus pas dans cette succession mes filles Ania Boudo et ma petite fille Nina Chaussonnière, ce n’est pas parce que je pense les écarter, mais toutes deux étants des femmes de Français, naturalisées, possédant de plus de grands biens en France, ne sont pas dans le besoin d’autres avoirs et ne peuvent pas s’occuper de biens en Russie.

Je demande cependant et je crois fermement que si elles, leurs enfants et petit enfants ou n’importe quel membre de la famille désireraient faire un séjour à Eupatoria, tous seront reçus avec hospitalité, quelque soit le temps qu’ils y resteraient.

Je demande aussi de recevoir chaleureusement Olga Fiodorovna Adamovitch, Evguéniya Fiodorovna Ouvilevskaya et leurs enfants. Je demande de recevoir comme un cher invité mon ami de la jeunesse Sémion Borissovitch Chichman, vivant à Paris, 11 rue Brancion, Paris 15ème.

Une attention particulière devra être portée à Evguéniya Kasimirovna Chimanskaya, au point de lui donner asile, pour la vie, si elle vient là-bas à la fin de ses jours. Des objets que je possède à Monte-Carlo je lègue en souvenir : mon fauteuil, une petite glace murale, une photo encadrée de l’Empereur Nicolas II photographié près de la villa « Mechta » (Rêve) et ma bibliothèque de livres.

Mon grand désir est que dans la villa « Carmen » à Eupatoria soit installé un foyer pour des personnes âgées, à l’exclusion de Français, Juifs et Caraïmes, peuples riches qui n’ont pas besoin de l’aide de leur familles.

Je demande instamment à Ania, qui m’a aidé pécuniairement, de transmettre, la vie durant, un subside à mon fils Joseph et à sa femme Lisa (née Avakh) et en plus c’est son devoir sacré de les ramener de l’Argentine au plus vite possible en France et ensuite dans leur patrie, à Eupatoria.

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Avis de décès de Sémion Ezrovitch Douvan

Je demande que l’on imprime les manuscrit de mes souvenirs, en brochures séparées, pour les distribuer en souvenir, à tous mes enfants, petit enfants et les autres susnommés, héritiers comme à mes amis : au docteur Jacob Yossifovitch Kefeli et à Sémion Borissovitch Chichman, vivant actuellement à Paris. Je demande de transmettre à S. B. Chichman le coffre et trois nouvelles malles, avec tout mon linge, tous mes costumes, mes chaussures, l’étagère pour les papiers, le parapluie, mes cannes et le plaid chaud. Les lettres sont à brûler, toutes les photos de famille entrent en propriété de ma fille Lisa, femme de Ghélélovitch.

Si après moi je laisse des dettes, je demande qu’on les règle.

Je souhaite le bonheur à tous.

S. Douvan

(signature authentique)